CRÈCHE EGLANTYNE JEBB
Nouvelle crèche à Genève intégrée à un immeuble d'habitation
Une crèche qui investigue le potentiel du sous-sol en ville
Dans le quartier des Eaux-Vives à Genève, un bâtiment posé en front de rue forme un rempart face à l’agitation de la ville. Dans son socle, une crèche conçue par Corpus architecture accueille les tout-petits, se développe et s’organise à l’arrière dans le sous-sol de la cour, protégeant ainsi les enfants de l’effet des canicules.
A la crèche Eglantyne Jebb, les bébés sont accueillis dès la fin du congé maternité. Ils quittent la structure au plus tard à quatre ans, lorsqu’ils sont propres, mangent seuls, qu’ils se déplacent facilement et se lancent pour les plus hardis, dans de longs discours. Chaque matin, les parents se dirigent vers le petit côté du bâtiment, longeant le vénérable Temple des Eaux-Vives pour pénétrer dans la cour où ils laisseront pour quelques heures la poussette sous un abri. Ils pénètrent ensuite dans l’immeuble et rejoignent l’un des trois niveaux pour y déposer leur enfant. Les bambins sont organisés par âge, ayant leurs propres espaces pour jouer et se reposer, avec leurs salles de change et de minuscules sanitaires attenants.
Dans la matrice terrestre
Creusée dans le sous-sol, une cour offre l’expérience des événements naturels comme la pluie ou le vent aux tout-petits. Des sorties régulières permettent aux jeunes enfants d’explorer le monde et de s’apaiser dans un environnement extérieur moins sonore. Grâce à l’arrondi d’une paroi vitrée, la cour forme une centralité vers laquelle converge les regards, un repère pour mesurer le temps qui passe, les saisons qui se succèdent. Côté intérieur, les pièces en enfilade offrent des échanges visuels entre les groupes à travers les vitrages, tout en respectant le sentiment de sécurité des plus jeunes. La cour en sous-sol est appréciée par la directrice du nouvel espace de vie enfantine. Elle y voit un moyen pour échapper aux étés trop chauds, et pour ventiler et maintenir un climat équilibré à l’intérieur de la structure.
Deux terrasses superposées
Malgré l’espace contraint de la parcelle, deux cours sont dédiées aux activités motrices qui se déroulent en extérieur. La seconde se situe un étage plus haut, sur la dalle qui mène vers l’entrée et forme la toiture du niveau -1 de la crèche. Des liens visuels s’établissent entre les deux terrasses, redonnant du lien et de l’unité aux groupes habituellement cloisonnés. Un îlot de verdure permet de se familiariser avec le monde minuscule des insectes, sans oublier les parcours en tricycles qui s’organisent autour de ce repère spatial. Des bancs disposés en couronne autour de quelques oculi, les vitrages amenant de la lumière naturelle à l’étage inférieur, dessinent des fleurs géantes qui ponctuent la grande terrasse.
Un mobilier ludique
Tout en offrant un cadre apaisé, l’architecture de Corpus invite l’enfant à prendre possession à son échelle des espaces qui lui sont dédiés. L’affaire est sérieuse car il faut progresser, acquérir des aptitudes et un savoir, même si tout n’est que jeu. Ici le mobilier est dessiné pour accompagner la découverte. On y voit des ronds, des carrés et des triangles, des vides et des bosses. Les vestiaires ressemblent à des cabanes, les patères font des bulles, les armoires offrent des creux et des cachettes. La fonctionnalité des espaces doit faciliter le travail des éducateurs·rices. Elle est cependant adoucie par l’invitation prodiguée aux enfants à s’amuser des petits gestes de la vie qui rythment la journée. Ranger son chapeau, organiser ses chaussures et accrocher sa veste à la patère sont le début d’une journée réussie lorsque le plaisir s’invite. Le geste répété améliore la coordination, la bonne humeur qui l’accompagne mène plus justement à la réussite. Le mobilier, avec ses formes inhabituelles, pique la curiosité de l’enfant et incite au jeu.
Quelques couleurs seulement
Pour accompagner la vie qui émerge entre ses murs, Corpus propose d'insuffler autour d’un blanc neutre, la complémentaires de deux coloris, un vert et un rouge. Les couleurs sont déclinées dans des camaïeux doux, dont un vieux rose qui habille le plafond acoustique et unifie les pièces de vie sur les trois niveaux. Il se confronte à un vert tendre qui anime la plupart des éléments de mobilier. Dans l’une des pièces, une silhouette composée de formes simples est peinte sur les parois. Elle répond à l’imagination des enfants et soutient leur envie de rêver. Dans les sanitaires, les deux coloris qui se retrouvent côte à côte donnent une identité plus soutenue à l’espace. Par ailleurs, quelques touches d’un bleu ciel se découvrent ici et là, sur des pièces de mobilier. Dans un cadre composé d’aplats toujours délicats, le bleu outremer, vif et pétillant choisi pour la cage d’escalier peut surprendre. Il contraste avec l’expression très retenue appliquée partout ailleurs, dans les espaces de la crèche, et forme un langage à part. L’effet immersif qu’il procure propose à l’enfant une expérimentation différente de l’espace qui l’accueille. Son caractère expressif répondrait-il mieux à la force des émotions que le bambin est amené à traverser dans sa vie ?
Une pionnière des droits de l’enfant
La nouvelle crèche est dédiée par la Ville à Eglantyne Jebb, une philanthrope, pionnière des droits de l’enfant. L’Anglaise qui rêvait de protéger les petits face aux souffrances de la guerre, rédigeait en 1924 la Déclaration de Genève sur les droits de l’enfant. Celle-ci allait amorcer l’idée d’un document de loi, l’adoption d’une Convention des droits de l’enfant approuvée par les Nations Unies. Ses idées étaient novatrices pour l’époque. Lors de son voyage en 1913 dans la région des Balkans enflammée par des conflits armés, elle constate que les enfants sont les premières victimes. Elle fonde avec sa sœur en 1919, l’association Save The Children, qui est devenue aujourd’hui la plus importante organisation de défense des droits de l’enfant dans le monde. Avec une marraine aussi exceptionnelle, la crèche se devait d’être à la hauteur.
Images Ariel Huber et Tonatiuh Ambrosetti