LE TEMPS QUI VA, LE TEMPS QUI VIENT
Appuyé contre la route de Suisse, le terrain s’incline doucement jusqu’au bord du Léman. Là, en haut de la jolie parcelle, une construction singulière montre depuis des décennies son expression néoclassique où frontons, corniches, colonnes et décor d’inspiration antique se combinent dans des proportions harmonieuses.
Un travail de recherche révèle que ce périmètre était historiquement rattaché au château de Tannay, belle demeure du 17e siècle située à un demi kilomètre. Un contexte qui a perduré jusque dans les années 1850, lorsque la ligne de chemin de fer vient fendre irrémédiablement le domaine, laissant au lac la partie basse et aux champs la partie en amont. Le dépouillement des archives met à jour le dossier d’exécution du bâtiment.
Datés du mois de janvier 1930, les documents signés « Leclerc architecte » dévoilent l’affectation première et l’organisation d’origine : un petit pavillon de bain, coiffé d’un toit à deux pans. La symétrie marquée du plan montre un rez-de-chaussée avec cuisine, salle de bains, chambre et séjour ouvert sur une terrasse ; un sous-sol avec des locaux de service latéraux et, dans l’axe, un garage à bateau. À l’époque en effet, la construction implantée au bord de la rive trempe littéralement sa façade dans les eaux du Léman.
Le relevé complet du bâtiment fait apparaître une substance encore largement en place et un état physique sans pathologie. Ce constat annonce un interventionnisme mesuré, capable de préserver les éléments patrimoniaux et d’apporter le confort nécessaire à un logement d’aujourd’hui. Au rez-de-chaussée, le séjour communique avec la chambre et la cuisine grâce à la création de percements traités de façon classique (porte vitrée) ou contemporaine (fenêtre au dessus du plan de travail) ; au sous-sol, l’ancien garage à bateau est transformé en bureau, flanqué de deux petites chambres dont l’une jouit d’une salle de bains neuve.
Les boiseries d’origine ont été poncées puis repeintes, les pièces d’eau aux faïences blanches profitent d’un équipement moderne. Les sols sont couverts d’un sobre carrelage gris, sauf dans les deux grandes pièces du rez-de-chaussée dont le parquet ancien a été rénové et complété. L’amélioration thermique de la maison passe par une isolation intérieure des murs et du plancher des combles, ainsi que la pose de verre isolant sur des menuiseries restaurées. Un radier complet permet de garantir l’étanchéité totale de l’ensemble. À l’extérieur, la gamme chromatique pastel est respectée et de nouveaux garde-corps sécurisent fenêtres, volées d’escaliers et terrasse.
Associant aménagements mineurs ou améliorations techniques conséquentes, chacune des interventions a d’abord été pensée en termes de discrétion, pour en limiter l’impact visuel. L’élégance retrouvée du bâtiment contribue pleinement à la revalorisation du site. Bien que de dimensions modestes, l’ancien pavillon de bain trône à nouveau sur cette rive et laisse au second plan les deux villas neuves réalisées à proximité et l’indispensable mur antibruit construit le long de la route.