VOYAGE LACUSTRE
Rénovation patrimoniale d'une propriété historique au bord du lac
Explorer les fameuses vues aériennes de 1932 commandées par le cadastre genevois apparaît comme une jolie façon d’aborder un bâtiment patrimonial. Sur cette portion de la route de Lausanne, l’image en noir et blanc révèle un paysage tout à la fois révolu et immuable. Comparée à la situation actuelle, on y observe la présence de grands domaines désormais disparus et un village encore peu densifié au milieu d’une campagne ouverte. Déjà en place, le tracé des chemins et des routes dessine cette topographie caractéristique, à deux pas d’un Léman qui semble éternel. Un focus sur la parcelle concernée montre un bâtiment aux toitures imbriquées et des aménagements extérieurs nets, calibrés à la rive rectiligne du lac. Près d’un siècle plus tard, la situation sur ce splendide terrain n’a presque pas changé. Conçu à la fin des années 1920 pour un commanditaire britannique fraîchement installé en Suisse, le chalet pensé par Edmond Fatio reprend les codes chers à cet architecte genevois chevronné, formé à l’École des Beaux-Arts de Paris mais féru de culture et d’histoire locale.
Fatio propose ici un volume allongé qui épouse la déclivité naturelle du sol, permettant la création d’un niveau supplémentaire du côté lac. L’expression générale trouve ses racines dans un héritage helvétique plus ou moins imaginaire, où se mêlent techniques constructives et références formelles alpestres. Un vocabulaire qu’affectionne l’architecte mais qui, à la mode depuis le milieu du 19e siècle déjà, tend justement à disparaître pendant l’entre-deux-guerres. S’y retrouvent néanmoins les éléments phares tels que les profonds avant-toits, les longs balcons, les éléments en bois découpés et les larges baies. L’ornementation et la mise en œuvre générale restent discrètes jusque dans l’aménagement du jardin, conférant à l’ensemble un équilibre sobre, sans doute autant prisé par le genevois que par son client anglais.


La recherche en archives et les études historiques ont permis une compréhension fine du bâtiment, de sa genèse et de son évolution au cours des décennies. Il en résulte des options d’interventions douces, revalorisant les éléments historiques et adaptant la disposition intérieure au standing contemporain, sans dénaturer la substance patrimoniale ou ternir l’esprit du lieu. C’est le cas notamment pour le travail de conservation-restauration exécuté sur les élégantes boiseries d’origine des pièces à vivre, mais aussi avec la mise en place de nouvelles menuiseries extérieures traditionnelles en remplacement de toutes les fenêtres modernes posées (peut-être) dans les années 1980. Et si l’affectation des pièces se trouve parfois reconsidérée en fonction des nouveaux besoins, l’organisation spatiale générale conserve ses grands principes depuis le rez-de-chaussée inférieur jusque sous les combles. À l'échelle de l'ensemble, le traitement le plus conséquent reste sans doute l’abaissement du niveau du radier de 30 centimètres. Une intervention lourde mais imperceptible qui permet d’offrir au niveau inférieur une hauteur sous plafond décente et, partant, de connecter réellement les pièces avec l’extérieur, le jardin et le lac.
La technique se met quant à elle au service du confort et de l’efficacité énergétique avec, par exemple, un chauffage au sol débarrassant les radiateurs mais aussi –et c’est plus rare pour les bâtiments historiques–, avec une toiture désormais couverte de tuiles solaires. Avec le renforcement des fondations par des micropieux nécessaires pour contrer les désordres statiques engendrés au fil du temps, elle assure également à cette construction presque centenaire une pérennité bienvenue.
Au final, un projet de rénovation et de transformation resté fidèle à l'historicité du site, pleinement ouvert à l'évolution des standards et aux attentes de celles et ceux qui ont décidé d'y vivre.



