Construction d'un immeuble d'habitation 

Tapi entre des champs cultivés et des cordons boisés, Lullier a été pendant des décennies le chef-lieu de ce coin de campagne situé au Nord-Est du canton. Désormais inclus dans les frontières communales de Jussy, le hameau conserve aujourd’hui encore un authentique cadre campagnard et un calme précieux. Mais au-delà des évidentes qualités de son paysage, que nous révèle vraiment une promenade sur ses chemins ?

Le long du réseau viaire, le tissu bâti au fil des générations témoigne de l’évolution des villages genevois. Des corps de ferme toujours en exploitation côtoient des immeubles modernes empruntant avec plus ou moins de bonheur une expression rurale ; des mas transformés en habitation cossue ou modeste dialoguent avec des villas individuelles bien intégrées ou étrangères au caractère du site. Pourtant bien réel, le côté disparate de ces constructions s’estompe par la présence de gabarits et de volumes traditionnels ainsi qu’une mise en œuvre généralement sobre et retenue. Les différences se lisent alors dans le traitement des aménagements extérieurs, remarquable pour les bâtiments anciens et souvent inabouti à proximité des constructions récentes. Les anciens ruraux, avec leur cour ouverte et leurs murets, offrent une perméabilité entre l’espace public et le domaine privé. Les réalisations modernes ou les villas semblent quant à elles mettre un point d’honneur à obturer les vues –haies denses, portails opaques, couverts à voitures– pour mieux affirmer la notion de propriété. Dans cette alternance de pleins et de vides, on remarque l’absence de vrais lieux collectifs dédiés à la population. Et si la gestion des équipements ou des parkings reste discutable à l’échelle du hameau, il apparaît que les percées visuelles sur le grand paysage, la présence d’arbres majeurs ou l’identité forte du patrimoine ancien fondent véritablement l’identité de Lullier. C’est bien à cela qu’il conviendra de se référer pour imaginer une nouvelle réalisation au cœur du hameau.

Comprendre l’histoire du site, la formation de son bâti et de ses voies de circulation est évidemment essentielle. Un travail minutieux mené à la fois sur place et dans les archives permet de développer des réflexions et des hypothèses propres à la parcelle concernée, incluant non seulement les spécificités existantes mais aussi une vision pour l’avenir. Explorés en maquette, les nombreux scénarios font émerger des idées fortes. Se dégage alors le parti d’un volume simple, avec toiture à deux pans et faîte parallèle à la route, accolé à l’immeuble existant à l’Ouest, posé jusqu’en limite de parcelle à l’Est invitant ainsi à une densification du terrain voisin. L’implantation est prévue bien en retrait de la route afin d’aménager une cour ouverte plantée d’un arbre de haute tige. Du côté du domaine public, le gabarit de R+1+toiture s’inscrit dans la continuité de la tradition villageoise. Il s’ouvre sur l’arrière avec un niveau supplémentaire pleinement tendu vers le Sud et les champs.

Remplaçant une banale villa isolée au centre de la parcelle, cet immeuble villageois entièrement dédié à l’habitation en PPE propose neuf appartements de 3, 4 et 5 pièces, ainsi qu’un parking souterrain. L’allure compacte du volume et le gabarit asymétrique de la toiture répondent à des options constructives écologiques pointues, mais également à une lecture sensible du site. La façade rue légèrement cassée reconduit les codes traditionnels dans un vocabulaire contemporain avec, notamment, un grand pan en tuiles naturelles et des ouvertures à un seul volet insérées dans une maçonnerie crépie à la chaux. Posés sur un sous-sol en béton recyclé, les murs extérieurs se composent de briques monolithiques de 50cm propices à une excellente masse thermique. Toutes les menuiseries sont bien entendu en bois et la cour ouverte revêtue d’un sol naturel perméable. Côté jardin, la façade très ouverte présente ses longs balcons filants sous une structure en bois parfaitement adaptée à l’orientation. Là, le toit peu incliné accueille en toute discrétion plus de 200m² de capteurs solaires photovoltaïques qui, couplés à une pompe air-eau pour la production et le stockage de chaleur, comblent l’ensemble des besoins du bâtiment à l’année.

Conçu avec des matériaux durables, autonome et ne dégageant pas de CO2, cet immeuble aux références visuelles tout à la fois convenues et audacieuses renoue avec l’histoire de l’architecture villageoise : une utilisation rationnelle des terrains disponibles, le recours à des techniques constructives éprouvées et locales, le respect profond de l’environnement qui nous entoure.